Aly Khan

Aly Khan (1911 – 1960)
Le réalisateur Otto Preminger dit, à propos d’Aly Khan, “qu’il a deux passions dans la vie, les chevaux et les femmes”. Si le cinéaste n’y connaît rien aux chevaux et qu’Aly est en fait assez discret sur ses conquêtes féminines, le charisme d’Aly se suffit à lui-même. Selon ses contemporains, peu peuvent se targuer d’avoir une aura qui lui est égale. Aly Khan est à la fois décrit comme un séducteur mondain, mais aussi comme un habile éleveur. Il a pu s’illustrer comme un combattant auprès des Alliés pendant la guerre et un homme d’État sur le tard. Plusieurs tomes ne seraient pas suffisants pour rendre compte de ses vies.
Aly Khan est né le 13 juin 1911. Son père est le chef spirituel des Ismaéliens, l’Aga Khan III, et sa mère une danseuse de ballet. “Socialite”, l’Aga Khan III vit dans le grand monde. Son biographe Leonard Slater parle de Casanova comme de “son homologue du XVIIIe siècle” et surnomme Aly “Don Juan Kan”. Dans un entretien au journal Week-End en 1963, son entraîneur Alec Head raconte l’anecdote d’un “Aly Khan fleur bleue sous Aly Khan Don Juan”. Il rencontre une femme à l’aéroport qu’il séduit et qui ne l’a pas reconnu. Elle tombe sous son charme. Alec Head écrit “qu’une femme, qui ignorait tout de lui, ait été séduite en une heure lui paraissait aussi merveilleux que de découvrir un futur gagnant de Grand Prix parmi mille yearlings”.
Après un premier mariage qui voit naître Karim, futur Aga Khan IV, il rencontre Rita Hayworth en 1948 qui vient de divorcer d’Orson Welles. Leur liaison devient connue de la presse “people”, les ligues conservatrices menacent de boycotter Rita si elle ne se marie pas. Le temps presse pour officialiser la liaison. Aly divorce de son épouse Joan Yarde-Buller et le 27 mai 1949, devant les caméras du monde entier, ils se marient à la mairie de Vallauris. Le mariage est grandiose – c’est une litote : 450.000 litres d’eau de Cologne sont déversés dans la piscine dans la villa d’Aly Khan, le château de l’Horizon à Golfe Juan, pour servir de support à des compositions florales aux initiales des mariés. Yves Montand vient avec des musiciens chanter une chanson, Édith Piaf n’est malheureusement pas disponible. Leur lune de miel donne lieu à un film documentaire réalisé par Jackson Leighter. Il sort un an après leur divorce qui a lieu en 1953, Rita supportant mal les devoirs publics d’une princesse. Après Rita Hayworth, il séduit Gene Tierney et lui offre une jument grise qu’elle monte dans son haras de Gilltown.
début de la guerre, il rejoint l’armée française. Sa connaissance du Moyen-Orient et ses compétences en matière de langue servent tour à tour les généraux Weygand et Caillaut. Il a une aura telle dans la région que lors d’une visite du Haut-commissaire au Levant, Gabriel Puaux, en 1940, la bourgade de Selemyeh est désertée car les hommes sont allés prier avec Aly Khan à la mosquée quand les femmes et les enfants sont restées, de ce fait, cloîtrés chez eux. Les habitants ont préféré accueillir Aly. Après l’invasion de la France en 1940, il rejoint les troupes britanniques et crée un commando ismaélien d’appui aux Anglais. Mi-1941, il rentre dans les rangs de la France libre sous les ordres du général Catroux. Ses bons et loyaux services envers elle sont récompensés par le titre d’officier de la Légion d’honneur et de Croix de guerre avec palmes. La victoire alliée consommée, il peut retourner à sa vie mondaine, mais avant cela, il récupère lui-même en Jeep les chevaux de l’écurie familiale qui ont été réquisitionnés par les Allemands.
En 1957, l’Aga Khan III meurt. Si Aly est le Waliahad (héritier présomptif), l’Aga nomme son petit-fils Karim comme successeur. Aly ne peut porter le titre millénaire. Il n’est certes pas l’imam des Ismaéliens mais devient un diplomate. En 1958, il est nommé ambassadeur du Pakistan aux Nations Unies, pays dont il n’est même pas citoyen, et est rémunéré de la somme symbolique d’une roupie par mois. Il devient un homme d’État dont les discours sont remarqués.
Un homme de conquêtes politiques et amoureuses, l’est aussi de conquêtes sportives. Ces conquêtes peuvent avoir comme champ de bataille Newmarket, Epsom, Ascot, Deauville ou encore Longchamp. La vocation hippique lui vient dès son arrivée à Londres en 1929 et il monte en course comme gentleman-rider dès 1930, l’année de la victoire du cheval de son père Blenheim dans le Derby. Il remporte ainsi à deux reprises le steeple-chase du Pegasus Club, association des juristes britanniques passionnés d’hippisme. Il crée alors sa propre écurie de courses dans le Londres de la Belle Époque, choisissant d’illustres couleurs qui symbolisent le culte ismaélien : le rouge et vert, ce que n’avait pu faire son père, la casaque étant alors prise.
Cependant, il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour qu’Aly Khan soit gestionnaire aux côtés de son père de l’écurie familiale. Il se fait remarquer par l’attention qu’il donne aux croisements, “good blood tells” (G. Strine). Il se fait alors remarquer en réalisant la plus grande vente de l’histoire des courses britanniques jusqu’alors, en vendant aux Haras nationaux irlandais Tulyar 700.000 dollars. Il se fait un défenseur de la vente de chevaux, car pour lui, “un bon cheval vendu est la meilleure publicité pour [son] élevage.”
L’année 1959 d’Aly Khan propriétaire est considérée comme son “annus mirabilis” par les observateurs de l’époque. Une certaine Petite Étoile marque sa carrière de propriétaire en faisant une saison de trois ans sans faute, marquée par des victoires dans les 1.000 Guinées, les Oaks et les Champion Stakes.
Petite Étoile rentre brillamment le 7 mai 1960 dans les Victor Wild Stakes, mais le 12 mai, cinq jours après, arrive la nouvelle fatidique. Le prince Aly Khan meurt dans un accident de voiture à Paris, après avoir passé l’après-midi aux courses à Longchamp. Désormais aux couleurs de Karim Aga Khan IV, Petite Étoile rend hommage à son défunt propriétaire en remportant la Coronation Cup le 2 juin. Trois représentants de la Fondation de la France libre viennent à la levée du corps avec le drapeau de l’institution, venant lui “témoigner la reconnaissance des Français libres”. Un de ces trois compères, Fauquenot, se rend même à l’enterrement d’Aly Khan à Selemyeh, en Syrie centrale. Une course est nommée en son honneur, réservée aux gentlemen-riders : le Prix Aly Khan.