Épinard

Épinard (1920 – 1942)
Épinard est un pur-sang élevé par Pierre Wertheimer, qui devint une véritable star à une époque où les courses faisaient déplacer les foules, y compris le Tout-Paris. Né en 1920 dans le Médoc, il est le fils de Badajoz et d’Épine Blanche, elle-même par le champion Rock Sand (vainqueur de la Triple couronne britannique).
Entraîné par Eugène Leigh (qui quitte les États-Unis ruiné après avoir perdu sa fortune en misant sur l’un de ses pensionnaires) à Maisons-Laffitte, Épinard débute victorieusement le 11 août 1922 à Deauville, dans le Prix Yacowlef. Comme il le fera durant toute sa carrière, c’est en menant grand train qu’il domine ses adversaires, devant un parterre de célébrités. Ernest Hemingway, qui a assisté à la course, écrira quelques mois plus tard : “Épinard a gagné dans une brise, et j’ai pu subvenir à mes besoins pendant six ou huit mois grâce à mes gains !” S’il a une arrière-main assez légère, il s’agit d’un cheval solide, toisant 1,63 mètre. Sa première année de compétition se solde par six succès en sept tentatives et il est nommé meilleur deux ans tricolore.
Lors de sa réapparition en juin 1923, Épinard aligne quatre nouveaux succès à Maisons-Laffitte, sur des distances allant de 1.000 à 1.850 mètres. Il gagne le Prix d’Ispahan (Groupe 1) de bout en bout avant de prendre la direction de la Grande-Bretagne. Le “cheval volant” pulvérise l’opposition sur 1.200 mètres à Goodwood, dans la Steward’s Cup. Malgré un poids encore jamais porté par un trois ans dans cette épreuve, son entourage avait misé une fortune sur sa victoire… Le public anglais est conquis, tout comme le roi George V et la reine Mary, qui demandent à rencontrer Pierre Wertheimer. S’il échoue ensuite d’un rien dans le Cambridgeshire Handicap, sous une montagne de plomb (le handicapeur ayant visiblement apprécié sa performance précédente), sa performance lui vaut une nouvelle ovation des sportsmen et le poids de 69 kilos attribué en France par le handicapeur, ce qui ne s’était jamais vu chez un poulains.
Épinard va de nouveau voyager en 1924. Direction les États-Unis et sa surface particulière et rapide, le dirt. Son illustre propriétaire s’étant associé à Coco Chanel, qui adorait le cheval, Épinard fait figure d’ambassadeur dans sa tournée américaine. Le bateau qui doit mettre une semaine pour le mener à bon port a été spécialement aménagé pour lui. Quarante barriques d’Évian ont d’ailleurs été chargées afin d’étancher la soif du champion et un ring sablé est mis en place sur le pont pour qu’il puisse se dégourdir les jambes. Ce voyage se solde par des deuxièmes places à Belmont Park, Aqueduct Racetrack et Latonia Race Track, sur trois distances différentes. S’il n’est pas parvenu à s’imposer, Épinard est tout de même nommé meilleur cheval d’âge outre-Atlantique. De retour en France, et plus précisément en Normandie (à Saint-Léonard-des-Parcs), il devient étalon (entre la France et les États-Unis) et engendre des chevaux comme Epithet, Rentenmark et surtout Rodosto, notamment lauréat des 2.000 Guinées et de la Poule d’Essai des Poulains.
En vingt tentatives, Épinard a gagné à douze reprises pour six places. Pour la petite histoire, lorsque Épine Blanche était pleine de Badajoz, Pierre Wertheimer l’avait mise en vente en 1919 avec cinq autres poulinières. Elle fut retirée à 24.000 francs et c’est bien lui qui sera l’éleveur d’Épinard. Ce sera le seul produit vivant d’Épine Blanche. S’il ne possède pas un palmarès “classique”, Épinard sera longtemps considéré comme le cheval du siècle, tant sa vitesse était impressionnante.