Goldikova

Goldikova (2005 – 2021)
Depuis 1999, les frères Wertheimer caracolent en tête du classement du nombre de chevaux élevés en France. Une déconvenue touche cependant le haras de Saint-Léonard pendant la saison de monte 2004. Atteinte d’artérite virale, virus équin de la moelle épinière, Born Gold (Blushing Groom) ne peut être saillie par Cape Cross (Green Desert), son haras se montrant particulièrement précautionneux.
Si elle ne manifeste pas de talent particulier en piste, son palmarès se limitant à une victoire sur le modeste champ de courses de Jallais, Born Gold ne peut rester “vide”. Ses premiers produits ont montré du potentiel en course et elle est issue d’une souche Wertheimer très influente. Si sa mère, Rivière d’Or, fut lauréate du Prix Saint-Alary en 1988, la championne dans la famille, c’est la mère de la mère de Born Gold, Gold River, qui a offert le Prix de l’Arc de Triomphe à Jacques Wertheimer en 1981.
Sur les conseils d’Alec Head, à la tête du haras du Quesnay, la souche aux noms dorés – qui a brillé sur la distance classique – est unie, in extremis, à un étalon qui a excellé sur le sprint, Anabaa. De la vitesse et de la tenue, la formule magique de l’élevage.
Trois ans après sa conception, voici “Goldi” sur les pistes, confiée aux bons soins de Freddy Head (le fils d’Alec). D’autres bonnes maisons présentent des concurrents plus chuchotés que Goldikova lorsqu’elle débute au mois de septembre de son année de deux ans, dans le Prix de Toutevoie à Chantilly. Mais parmi les principaux favoris, la lutte se fait pour la deuxième place. Goldikova survole l’opposition.
Les termes les plus laudatifs sur la pouliche viennent d’un jockey arrivé troisième dans la course, Christophe Soumillon. Dans les pages de Jour de Galop, il compare l’accélération de Goldikova à celle d’une “pouliche de Groupe 1”. Mais, contrairement à Zarkava, qui débute à la même période dans le Prix de la Cascade et remporte le Prix Marcel Boussac dans la foulée, Goldikova n’est pas tout de suite dirigée vers les Groupes 1. Freddy Head préfère être sage et la présente au départ d’une course à conditions, qu’elle remporte sans sourciller, ayant les classiques du printemps en ligne de mire.
Voilà “Goldi” à Longchamp, le 11 mai 2008 à l’occasion de la Poule d’Essai des Pouliches, après une deuxième place lors de sa rentrée dans une course à conditions en terrain lourd qu’elle n’affectionne pas. Le terrain est bon, la pouliche fait des siennes pour entrer dans les boîtes, allant jusqu’à éjecter son partenaire Olivier Peslier. Restée à la corde, Goldikova se faufile dans la ligne droite pour placer une très belle accélération, mais la comète Zarkava est trop forte. Goldikova se contente d’une honorable médaille d’argent, suivie d’une médaille de bronze dans un Prix de Diane où Zarkava marque l’histoire.
La revoilà légitimement au départ d’un Groupe 1, en août, dans le Prix Rothschild, feu Prix d’Astarté qui vient juste d’être renommé en hommage à Guy de Rothschild. Elle y a gagné son ticket d’entrée en remportant la consolante des classiques, le Prix Chloé. Elle doit affronter Natagora, lauréate des 1.000 Guinées, et Darjina, la tenante du titre, qui sont les favorites des parieurs. Mais la marche n’est pas trop haute pour celle qui a donné la réplique à Zarkava. Toujours la tête basse, elle gagne la course en quelques foulées au prix d’une accélération sensationnelle. Elle fait le nécessaire pour gagner et rien de trop. Goldikova tient son Groupe 1. Elle a son caractère et du style. C’est le début de la légende.
Devançant à nouveau Darjina, mais aussi Henrythenavigator, dans le Prix du Moulin de Longchamp, elle prouve qu’elle est la meilleure “mileuse” (pouliche courant sur une distance de 1.600 mètres) française, voire européenne. Freddy Head, son entraîneur, brille tout autant que sa pensionnaire. Dans ses box, on retrouve aussi Tamayuz, lauréat du Prix Jacques Le Marois.
Si elle est l’une des meilleures européennes, Goldikova veut désormais conquérir l’Amérique. Direction Santa Anita et le Breeders’ Cup Mile, une compétition qui sourit aux Français et en particulier à Freddy Head, qui l’a gagnée en tant que jockey avec Miesque (1987 et 1988). Placée dans le premier peloton, elle déboîte à deux cents mètres du poteau d’arrivée et s’envole, laissant derrière elle l’aristocratie équine américaine. Dans le New York Times, Billy Witz écrit “Goldikova sort en trombe du peloton pour empocher le mile à deux millions de dollars.” Et quelles foulées…
Les frères Wertheimer choisissent le sport et Goldikova revient à l’écurie en 2009. Elle ne sera pas poulinière de sitôt ! C’est un choix qui va contre l’habitude des grands haras, qui préfèrent voir leurs chevaux se consacrer rapidement à l’élevage avant une éventuelle déception. Et malgré une mauvaise rentrée dans le Prix d’Ispahan, en terrain lourd, la jument leur donne raison : elle remporte de peu les Falmouth Stakes à Newmarket en juillet 2009 : “Freddie’s back” titre The Journal de Newcastle le 9 juillet.
Goldikova revient d’Angleterre dans son jardin normand à l’occasion du meeting de Deauville. Elle y fait un show, dans le Prix Rothschild, le 2 août, puis dans le Prix Jacques Le Marois, le 16 août. Alors qu’on la connaissait peu expansive lorsqu’elle domine ses adversaires dans la phase finale, dans Le Marois, elle s’envole dans un canter, gagnant de six longueurs. Le journaliste d’Equidia ne trouve pas les mots : “Ahurissant”, dit-il. Ouest-France lui donne droit à un titre de noblesse, elle est “reine des 1.600 mètres deauvillais”, dont elle établit, au passage, le record de l’épreuve.
Comment douter de ses chances dans le Breeders’ Cup Mile, nonobstant sa troisième place dans le Prix de la Forêt ? Peut-être en raison de sa réticence à entrer dans les stalles de départ et de son caractère. Freddy Head commissionne alors Nicolas Blondeau, spécialiste d’équitation éthologique, qui lui apprend à être plus sereine. Goldikova est une jument “imprévisible” le matin, dixit son cavalier d’entraînement Thierry Blaise. Elle n’aime pas être dérangée dans son box, où elle reste toujours face au mur. Même son entraîneur en fera les frais. La demoiselle a du tempérament, voire mauvais caractère.
La Breeders’ Cup arrive tard cette année, le 7 novembre, et Goldikova est victime d’une configuration de course défavorable, se retrouvant parmi les derniers à l’entrée de la ligne droite, dans un pays où le rythme des courses est très sélectif. Olivier Peslier déboîte sa monture à l’extérieur. Elle change de vitesse, arrive dans les premiers, plafonne un instant et revient à la charge, remportant la course de toute une classe devant Courageous Cat. Cette victoire lui offre un Cartier Award du meilleur cheval d’âge, tandis que Freddy Head est le premier à réaliser un doublé dans la course à la fois comme jockey, avec Miesque, et comme entraîneur, avec la reine Goldikova. À cinq ans, la pouliche rempile, fait encore plus rare pour une jument de son envergure ! Son entourage vise un triplé dans le Breeders’ Cup Mile.
Avant ça, il y a les Queen Anne Stakes, en Angleterre, qu’elle remporte avec brio, mais aussi “son” meeting de Deauville. Le Prix Rothschild en poche, c’est l’heure, le 15 août, du Prix Jacques Le Marois. Le terrain est très souple. Si Paco Boy, représentant anglais, ne l’inquiète pas outre mesure (elle l’a battu en Angleterre), la menace vient d’ailleurs : Makfi, trois ans, lauréat des 2.000 Guinées de Newmarket, est imbattable en ligne droite. Prenant son dos à deux cents mètres du but, il crée la surprise. La reine est détrônée par le prince, selon Paris Turf, mais pas assommée : “Il n’y a rien à dire. Elle est battue par un cheval meilleur qu’elle aujourd’hui…”, explique Freddy Head.
L’objectif reste le Breeders’ Cup Mile, qu’elle prépare dans le Prix de la Forêt. Cette fois, c’est sa dernière course annonce son entourage. Makfi n’est pas de la partie, étant désormais étalon.
Jamais aucun cheval, ni européen, ni local, n’a réussi une telle prouesse. La meilleure description de la course nous vient du journaliste Ray Kerrisson dans le New York Post. “Peslier a appuyé sur le bouton, Goldikova s’est vue pousser des ailes, produisant une telle explosion de vitesse dans la ligne droite que la foule s’est mise à applaudir à tout rompre, comme si elle n’en croyait pas ses yeux.” Elle fait encore une fois vibrer la Marseillaise aux États-Unis, cette fois à Churchill Downs, la course étant itinérante.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin. En 2011, à six ans, sa forme s’est relativement amoindrie mais Goldikova reste la reine du cœur des turfistes, comme en témoigne un documentaire réalisé par Equidia lors du meeting de Deauville, “Le dernier été de Goldikova”. Elle est battue dans les Queen Anne Stakes et le Prix Jacques Le Marois mais parvient à remporter de nouveau le Prix d’Ispahan et, surtout, à réaliser un quadruplé historique dans le Prix Rothschild.
Et la veille de sa – vraie – dernière course en France, dans le Prix de la Forêt, le même jour que la participation au Prix de l’Arc de Triomphe de sa sœur utérine Galikova, elle fait la Une du Monde, fait extrêmement rare. Dans un billet d’analyse, le chroniqueur Christophe Donner la voit dans le quotidien comme la “jument du siècle”.
Visant le quadruplé dans la Breeders’ Cup, elle échoue à la troisième place d’une épreuve remportée par Court Vision, mais a déjà conquis tous les records. Quatorze Groupes 1, mais aussi près de cinq millions de gains en course. C’est bien l’heure du haras, à six ans, pour une pouliche à la longévité hors normes. Jean-Baptiste Pigalle écrit dans Le Parisien que “Goldikova manque déjà aux courses hippiques”.
La mère de Goldikova, Born Gold, a plus brillé comme reproductrice que sur les pistes. Pour “Goldi”, c’est l’inverse. Elle a produit Terrakova, troisième du Prix de Diane, chez Freddy Head, et Goldistyle pour Carlos Laffon-Parias, quatrième du Prix de la Forêt, mais aucun pur-sang de son envergure.
Les Prix Goldikova se multiplient sur les champs de courses de province, notamment une épreuve à Angers, remportée en 2021 par Freddy Head et les frères Wertheimer avec Yorksea. Autre hommage impromptu, un cocktail à son nom au bar du Normandy qui rappelle les produits dérivés autour de Gladiateur dans les années 1860.
Le 6 janvier 2021, le haras des frères Wertheimer annonce la mort de Goldikova. “Ce n’est pas la meilleure façon de commencer l’année” écrit Jour de Galop. Si la presse spécialisée lui rend hommage, c’est aussi le cas de l’hippodrome de Deauville, où dès 2022, une Listed race porte son nom.
Palmarès France
Prix Rothschild (4) : 2008, 2009, 2010, 2011
Prix d’Ispahan (2) : 2010, 2011
Prix de la Forêt (1) : 2010
Prix Jacques Le Marois (1) : 2009
Prix du Moulin de Longchamp (1) : 2008
Palmarès Royaume-Uni
Queen Anne Stakes (1) : 2010
Falmouth Stakes (1) : 2009
Palmarès États-Unis
Breeder’s Cup Mile (3) : 2008, 2009, 2010

